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Du bon usage de l'exception française


Revoilà la réforme des retraites et son lot de manifestations, de grèves, de blocages et … de belles images pour les médias du monde entier qui pourront une fois encore faire des papiers et des reportages sur les sempiternelles fractures du "village gaulois". Départ à la retraite à 67 ans au Danemark, aux Pays-Bas ou en Italie, 66 ans en Irlande, 65 ans en Belgique et en Autriche… Dans toute l’Europe et au-delà, c’est la "douce France" qui fera la "une" cette semaine !

La "patrie de notre enfance", c’est celle que tout le monde nous envie. Celle où la vie est douce, où la chère est bonne, le vin aussi, sans parler de nos paysages somptueux et variés. La France, c’est la première destination touristique mondiale et l’envie de France ne se dément pas.


"Un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer"


C’est ce pays où les inégalités entre habitants sont parmi les plus faibles au monde. C’est ce pays qui a mieux traversé que beaucoup d’autres la pandémie grâce au "quoi qu’il en coûte". La France, c’est le pays des 35 heures et des RTT. C’est ce pays où l’Etat est généreux, où la Sécurité sociale prend presque tout en charge et pour tout le monde. C’est ce pays où l’inflation est l’une des plus faibles d’Europe malgré la hausse des prix liée à l’envolée des coûts de l’énergie. Bref, la France – même si elle est confrontée à des difficultés comme toutes les Nations – offre une qualité de vie parmi les plus élevées au monde, entre l’accès à la santé, la protection sociale, un système éducatif performant, une offre culturelle immense ou encore du temps pour les loisirs. C’est l’écrivain Sylvain TESSON qui résume le mieux la situation : "la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer".

Dans ce contexte, toutes les réformes structurelles pour alléger le fardeau de la dette y sont largement combattues. Les grèves de 1995, de 2010 puis de 2019-2020 contre la réforme des retraites resteront parmi les principaux mouvements sociaux dans notre pays. Néanmoins, si les besoins sociaux sont illimités, ce n’est pas le cas des finances publiques. La ligne consiste donc à maintenir un modèle social juste à un coût raisonnable et donc soutenable sur le long terme. A ces soubresauts, il faut ajouter la crise majeure des Gilets Jaunes en 2019 ou encore les violentes manifestations contre la "loi travail" en 2016 qui visait pourtant à renforcer notre compétitivité, enjeu ô combien crucial dans la mondialisation.


Les cigales de l’Europe


Selon un sondage Ifop pour Politis, 68 % des Français seraient favorables à une réforme qui ramènerait à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite. Les Français ne seraient-ils pas dès lors "bercés de tendre insouciance" ? Avec un montant de 3 000 milliards d'euros, la France est championne d’Europe de la dette publique. Bien sûr, reculer l’âge de la retraite, c’est d’abord une mesure d’économie. Mais ne faudrait-il pas précisément faire quelques économies alors que nous sommes d’ores et déjà perçus comme des "cigales" par l'Europe du Nord ?

Au-delà des images, c’est la réputation de notre pays qui sera une nouvelle fois endommagée par cet énième mouvement social. Et si cette réforme échoue, la France redeviendra l’un des "hommes malades de l’Europe". Sur le long terme, notre trajectoire de dépense publique est insoutenable. Nos voisins le savent, ils ne manquent pas de nous le rappeler régulièrement et les gouvernements de la zone euro s’inquiètent d’une situation qui pourrait devenir incontrôlable. Avec cette réforme, c’est aussi la crédibilité de la France qui est en jeu. En matière d’influence, tout est lié, tout se tient. La santé financière du pays est un enjeu majeur qui a des conséquences pour notre politique internationale et notre capacité à convaincre nos partenaires de s’engager sur des projets communs.


Choisir ses "exceptions"


Nous sommes à un tournant. Si la France veut faire le choix de la puissance, elle doit s’en donner les moyens. Nous ne pouvons pas vouloir notre indépendance, davantage de justice sociale, une économie plus solide et plus durable et en même temps rester l'un des pays d’Europe où l’on travaille le moins tout au long de la vie.

Si les Français souhaitent conserver cette "douce France", il faudra un réarmement complet de nos armées, de notre économie, de notre capacité à innover, de notre système éducatif. Cela passera par une révolution culturelle, voire un réarmement "moral". Nous vivons dans un monde de "carnivores" dans lequel ni nos compétiteurs, ni nos partenaires ne nous attendent. Le travail est la voie de notre indépendance, celle qui nous permettra de nous émanciper pour choisir notre destin commun et, ainsi, de continuer à influer sur les affaires du monde.

Toutes les exceptions ne sont pas souhaitables ! Si la "gréviculture" hexagonale devait un jour s'estomper, l'influence de la France en sortirait renforcée…


Vincent BERTHIOT

Délégué général du Club France Initiative


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