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Pas d’autonomie sans un commerce extérieur conquérant



La crise du Covid-19 a révélé plusieurs failles pour la France. Chacun a soudainement pris conscience de l’imbrication des économies et du manque d’autonomie nationale ou européenne sur des secteurs stratégiques tels que la santé. Décideurs et citoyens ont pu mesurer à quel point la France et l’Europe étaient dépendantes de la Chine pour s’approvisionner en médicaments et en matériel médical.


Cette réalité n’était sans doute pas étrangère aux membres du Club France Initiative. Il n’en demeure pas moins vrai que le débat en France, plus largement en Europe, est à la relocalisation, au produire national et, pour tout dire, au souverainisme économique. Mais chacun ici le sait, la relocalisation et la réindustrialisation ne se décrètent pas.


Un coup d’arrêt pour le commerce international


Selon les informations d’Eurler Hermes, nous pensions avoir touché le fond au premier trimestre mais le pire reste à venir. Les échanges internationaux pourrait se contracter en 2020 entre -15% en valeur et -20% en volume. Le commerce mondial de biens et services ne dépassera pas les 90% de son niveau d’avant crise. Il y a malheureusement fort à parier que la reprise “à la normale” des échanges internationaux soient longs et progressifs.


Le secteur de l’énergie sera probablement durement touché, avec une perte à l’export estimée à -733 Mds $ en 2020. Ensuite, le secteur de la métallurgie (-420 Mds $) et les services de transports (-270 Mds $) pourraient être les plus affectés. A contrario, les secteurs des services IT (+51 Mds $) et de l’industrie pharmaceutique (+27 Mds $) seront quant à eux les seuls bénéficiaires de cette crise.


Si la DG Trésor n’a pas encore communiqué de chiffres, plusieurs spécialistes estiment que la perte pour la France avoisinerait les 40 Mds €. Il y a donc urgence à une reprise de l’activité !


Une menace pour le libre échange


Beaucoup de contributions au ”monde d’après” font du libre-échange l’un des boucs émissaires de cette crise. Les traités de commerce européens et internationaux négociés et signés ces trente dernières années se retrouvent coupables de tous les maux. En revanche, pas un mot sur la baisse discontinue de la pauvreté dans le monde sur la même période.


Comme toujours, il faut sans doute trouver un équilibre notamment au regard du défi écologique. Toutefois, pour sortir de la dépression, il faudrait probablement plus et mieux de libre-échange. L’heure n’est pas à la “démondialisation” mais à plus d’interconnexion planétaire pour lutter contre la diffusion de la pandémie, pour relancer l’activité et pour corriger les vulnérabilités observées dans la course éperdue aux masques par exemple. Enfin, qui peut croire que l’on pourra répondre à la menace climatique dans un monde du repli sur soi ?


Illustration concrète de nos inquiétudes, la majorité des députés du parlement des Pays-Bas s'est opposée le 2 juin à l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays sud-américains dit MERCOSUR. Une première dans un pays traditionnellement ouvert au commerce et qui reflète la montée en puissance des questions environnementales en Europe puisque ce vote a été adopté suite à une motion du parti animaliste. Pourtant les accords de libre-échange sont aussi un cadre pour adopter des mesures protectrices pour les consommateurs mais également pour la planète en prenant en considération, par exemple, le respect de l’Accord de Paris. D’une manière générale, les accords cadres sont des moyens d’organiser les échanges et non l’inverse. Pourtant le débat sur ces sujets devient difficile. Le libre échange et la mondialisation qui ont permis de faire prospérer les pays occidentaux, tout en partageant davantage la création de richesses avec les pays du Sud, permettant l’émergence d’une vaste classe moyenne mondiale, méritent-ils autant de détestation ?


Reconstruire notre commerce extérieur


Dans ce contexte singulier, il est temps pour la France de repenser son commerce extérieur. Structurellement déficitaire depuis plus de 20 ans, force est de constater que les Gouvernements successifs n’ont pas su employer les grands moyens pour réformer en profondeur la chaîne de l’export. L'attente est donc forte vis-à-vis du nouveau Ministre délégué en charge du commerce extérieur et de l'attractivité, Franck RIESTER.


Il faudra d’abord livrer une véritable “bataille culturelle” car les Français sont frileux par rapport à la mondialisation. Le discours collectif entendu ces derniers mois n’est pas pour nous rassurer. Il nous faudra expliquer tous les avantages et tous les progrès accomplis. Il nous faudra aussi réfléchir à de nouveaux chemins pour un commerce international plus équitable et plus respectueux de notre environnement. Enfin, il nous faudra marteler ce message : faire réussir nos entreprises dans la compétition mondiale, c’est faire réussir la France ! C’est créer des emplois et de la valeur dans l’hexagone.


Parmi les changements à mener, il sera nécessaire de reconstruire notre commerce extérieur en partant du terrain car notre influence économique et nos exportations dépendent des acteurs engagés sur les marchés partout dans le monde.


En février 2018, le Premier ministre avait présenté 19 mesures pour dynamiser notre commerce extérieur et transformer le modèle d’accompagnement des PME à l’export. Ces mesures vont dans le bon sens mais beaucoup de nos adhérents vous le diront : ”il faut aller plus loin”. Ces mesures s’attèlent à clarifier la question du décollage des entreprises françaises avec la mise en œuvre du guichet unique. C’est une bonne chose car nos entrepreneurs ont besoin de mieux préparer leur internationalisation. Cependant, le sujet de l’atterrissage est également crucial car, à l’étranger, il s’agit de ”chasser en meute”. Or le millefeuille de notre développement économique international est illisible pour les étrangers, insuffisamment performant pour nos entrepreneurs et guère agile. La coordination des différentes entités sous l’ombrelle ”Team France” est imparfaite et est en décalage avec un monde qui va très vite. Par ailleurs, il faut à la Team France un chef de meute bien identifié et décisionnaire. Les Chambres de Commerce à l’étranger pourraient-elles jouer ce rôle en lien direct avec les Ambassadeurs ?


Enfin, il faut des résultats. Nous devons évaluer l’ensemble du dispositif annuellement et réajuster les moyens mis en œuvre. Être performant est essentiel pour être crédible auprès des entrepreneurs, des investisseurs étrangers mais aussi des contribuables.


Le Club France Initiative doit prendre toute sa place dans ce travail de fond, en particulier en faisant remonter les expériences de terrain et en faisant des propositions concrètes.


Toutefois une chose est certaine. S’il faut transformer en profondeur notre modèle productif, il sera nécessaire de faire de même avec notre commerce extérieur car il faudra des débouchés internationaux au futur ”Made in France”. Il faudra des produits compétitifs pour le marché mondial. Il faudra sans doute aussi moderniser l’image de la France dans le monde qui ne peut plus reposer sur le luxe, la gastronomie, la culture et les loisirs. Il faudra enfin jouer collectif et faire “décoller” l’ensemble du tissu entrepreneurial et pas uniquement nos plus grandes entreprises. Bref, il sera nécessaire de faire preuve d’audace et de nous relever les manches.


Voilà une belle et utile mission pour le Club France Initiative !


Vincent BERTHIOT, co-fondateur du Club France Initiative


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Pour aller plus loin :

  1. Faites des propositions, proposez une contribution : nous attendons vos textes à vincent.berthiot@clubfranceinitiative.fr.


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