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Relations franco-africaines : le changement, c'est maintenant ?



Le 23 janvier, la junte burkinabée a notifié son souhait de mettre un terme à l’accord militaire qui permet aux forces françaises d’être présentes au Burkina Faso. Depuis le coup d’Etat du 30 septembre 2022, les relations avec le nouveau pouvoir ne font que se dégrader. Sur fond d’influence russe et de la présence des miliciens du groupe Wagner, le départ des forces spéciales de l’opération "Sabre" est un nouveau coup dur pour l’influence française dans le Sahel et plus généralement en Afrique.


La France face à son histoire


Ce scénario, rappelle celui du Mali, avec le repli de "Barkhane". Les reportages et les images montrent des populations devenues très hostiles à la France. Les campagnes de désinformation et de manipulation vont bon train. Face à ces attaques sournoises, ramenée à son statut de colonisateur, la France semble démunie. Toutefois, les reproches des Burkinabés ne prennent pas uniquement leur source dans les réseaux sociaux nourris par les fermes de trolls russes. La possible implication de la France dans l’assassinat de Thomas Sankara, puis le soutien apporté à Blaise Compaoré pendant 27 ans alimentent aisément le procès en ingérence néocoloniale.

D’une certaine façon, nous payons en différé le prix de la "Françafrique" dans des pays où plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté (1,90 $ / jour), instables politiquement, avec un Etat défaillant et sous la pression croissante des groupes djihadistes qui redoublent d'activité dans la zone "des trois frontières" - entre le Burkina, le Niger et le Mali - à la faveur du départ des forces françaises.


Vers un aggiornamento de la politique africaine


Dans ce contexte douloureux, on annonce une réflexion globale du côté de l’Elysée sur la politique africaine, en particulier sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. Les enjeux de la présence militaire française sur le continent se posent avec la plus grande acuité. Depuis 2017, la France a pris de nombreuses initiatives en vue d’en finir avec le "pré-carré" francophone, et pour miser sur la jeunesse et l’éducation. Elle a également essayé de rompre avec son passé, en Algérie et au Rwanda.

Surtout, la France s’est positionnée, avec l’Union européenne, comme un partenaire majeur pour le développement du continent. Volonté d’apaisement des mémoires, restitution d’œuvre d’arts, réforme du Franc CFA, mécanisme Covax pour le partage solidaire des vaccins, politique d’investissement avec l’Agence Française de développement, moratoire sur la dette des pays africains, soutien à l’éducation (en particulier des filles), recherche de financements pour la transition écologique, sans oublier la lutte sans relâche contre le terrorisme… la France n’a pas ménagé ses efforts ces dernières années ! Pourtant, l’influence française en Afrique a rarement été aussi contrariée. Il est donc temps de tout remettre à plat.


Construire une politique du bien commun


Le destin de la France est intimement lié à celui de l’Afrique. C’est sur ce continent que se concentrent bon nombre d’enjeux mondiaux : crise écologique, démographie, terrorisme, développement, santé. Pour faire face aux problèmes climatiques et de biodiversité, mais aussi relever le défi migratoire inéluctable qui se dresse devant nous, il faut inventer de nouveaux partenariats de co-développement avec les pays africains. En parallèle, la nécessité de déployer une véritable stratégie d’influence en Afrique n’a jamais été aussi nécessaire et urgente. Pour y parvenir, peut-être faudra-t-il aussi mettre un terme à la politique du "en même temps" qui remonte au moins à Nicolas SARKOZY, qui consistait à tenter d’établir un partenariat d’égal à égal pour rompre avec la Françafrique, tout en continuant de soutenir les régimes autoritaires favorables à nos intérêts de court terme.

Dans tous les cas, privilégions la coopération à la confrontation, notamment en nous adressant à la jeunesse africaine. L’influence se construit au moins sur une génération. En la matière, on peut saluer le repli de nos armées au Mali. En décidant de se retirer proprement, sans dommages, la France n’a-t-elle pas paradoxalement semé des graines pour l’avenir ? Ne serait-ce qu'en privant ses détracteurs de "l'argument" selon lequel elle continuerait de vouloir à tout prix s'ingérer dans la vie de ses anciennes colonies africaines...

Si la France veut reconstruire son influence en Afrique, elle devrait s'efforcer d'agir en priorité pour les sociétés civiles africaines, moins pour leurs gouvernements, avec le souci pragmatique du résultat concret et de l'impact tangible pour améliorer l'existant et permettre un meilleur futur. En soutenant cet effort pendant une génération, la France gagnerait une nouvelle réputation et serait davantage reconnue comme une alliée des Africains. Ce serait un changement de doctrine pour la France dans ses relations avec les pays africains. Et probablement un repositionnement "gagnant-gagnant".


Vincent BERTHIOT

Délégué général du Club France Initiative


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